[BG : Tauril] Une histoire autour du feu.

Approchez et mettez-vous à l'aise, amis veilleurs. Cette histoire n'a sans doute pas l'étoffe des vieilles légendes des nains, mais puisque vous me demandez maintenant de vous la conter, je me dois d'en narrer les détails avec le plus de fidélité possible. Et les évènements d'une vie, aussi courte soit-elle, ne peuvent se résumer en quelques mots. Il vaut donc mieux éviter les crampes.
Bien, que dire d'abord sinon que ce récit n'est pas celui de l'odyssée du chercheur de la flamme et de la défaite de la Liche et de ses titans, que ça n'est pas non plus la légende canthienne du retour de Shiro, que c'est encore moins le mythe élonien du crépuscule et de la destruction d'Abaddon et que ça n'est certainement pas l'épopée de l'union des races face au réveil du Grand Destructeur.
Non, cette histoire est d'abord celle d'un enfant d'Ascalon avant sa chute. Un enfant qui comme beaucoup de ceux de l'époque de la Guerre des Guildes perdit son père trop tôt. Un enfant à qui sa mère appris ensuite à tirer à l'arc, s'entendre avec les bêtes, invoquer les esprits de la nature, poser des pièges et attraper des lapins. Un enfant qui devint bientôt un adulte et un parfait rôdeur. Un rôdeur qui quand la fournaise frappa se jura comme d'autres jeunes pleins d'espoir de défendre son pays. Un jeune soldat donc, qui désespéra peu à peu de voir les combats se terminer, qui crût ensuite que les brillants exploits de l'avant-garde d'Ebon auxquels il participa pourraient changer les choses, et se rendit bientôt compte des illusions que son naïf espoir nourrissait. Ce soldat redevint alors un véritable rôdeur et quittant enfin l'avant-garde, il découvrit les Sylvecimes et ses gardiens.
C'est donc cette histoire, mon histoire, que je vais raconter dès que j'aurais ajouté une buche à notre flambée.
Installez-vous et ouvrez grand vos oreilles.

I. Dans une belle contrée verdoyante

Il y a bientôt une trentaine d’années, le royaume d’Ascalon était engagé dans la dernière grande Guerre des Guildes. La guilde des Elus d’Ascalon, dirigée par le roi Adelbern se battait pour la défense du royaume, et ceux qui allait devenir mes parents en faisaient partie.
Ashden Valelil était un guerrier, fier défenseur de son pays et fin bretteur. Il servait comme capitaine sous les ordres du célèbre Mordakai. Seinya, elle, était une rôdeuse, discrète et mystérieuse, on ne savait pas grand-chose d’elle si ce n’est qu’elle semblait préférer la compagnie de sa féline de Melandru, Eisgarhi, à celle de tout humain, et qu’elle crachait volontiers sur les imbéciles invoquant la bravoure pour se lancer sans réfléchir au suicide au nom d’un idéal. Mais elle servait Ascalon et Mordakai appréciait son efficacité aussi bien comme combattante que comme éclaireuse, et cela était bien suffisant.
Il est sincèrement étonnant qu’elle ait pu tomber amoureuse d’Ashden, qui était précisément le genre de fonceur idéaliste qu’elle détestait, c'est pourtant bien ce qu'il se passa, à la bataille de Kyhlo, en 1052 AE.
Seinya s’était retrouvée sous les ordres d’Ashden, et lorsque la forteresse tomba aux mains des Fanatiques des Cimefroides, que Mordakai fut défait, que le groupe d’Ashden se réduisait à vue d’œil et qu’alors le capitaine fou de rage voulut précipiter ce qui lui restait d’hommes dans une dernière action héroïque mais insensée, alors elle défia son autorité pour tenter de le ramener à la raison et le convaincre de fuir en sauvant le plus de soldats possible.
Dans Kyhlo régnait une pagaille sans nom et ce fut au prix de combats acharnés qu’ils s’en sortirent, mais il en restait alors tellement peu qu'on aurait pu les compter sur les doigts d'une seule main. Toujours est-il que le chaos de la bataille avait étroitement rapproché le guerrier et la rôdeuse, et bien que cette dernière eu d’abord du mal à se l’avouer, il finirent par tomber amoureux l'un de l'autre.

Un peu plus d’un an passa. La Guerre des Guildes connut une période de calme relatif, et Seinya tomba enceinte. Les deux futurs parents devaient trouver un endroit où s’installer. Seinya l’aurait voulu à l’écart de tout, mais Ashden préférait ne pas trop s’isoler du monde. Ils choisirent de placer leur logis à côté du petit village de pêcheurs au sud d’Ascalon, un peu à distance des autres maisons sans pour autant avoir l’air de les bouder. C’était une petite demeure, chaleureuse, à la simplicité coquette.
Et près de neuf mois plus tard, le 167ème jour de l’année 1054 AE, à la saison du Phénix, les cris d’un nourrisson se firent entendre de par le village. J’étais né, j’étais un garçon, on me nomma Tauril.